Thèse Audrey Brugnoli

Les peaux éthiques du corps : vers une fabrique sensible des pores

Direction et écosystème :
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Dr. Emmanuel Mahe (HDR, directeur de thèse)
– Pr. Christine Bodemer (HDR, co-directrice de thèse)
– Patrick Renaud (encadrant designer)

Problématique :
Par une méthode de glissement entre le domaine du soin en design et la plasticité des corps face aux maladies rares de la peau d’origine génétique, comment éveiller un rapport sensible par l’utilisation de peaux artificielles réfléchies au-delà du soin comme outil d’émancipation (humain, social, personnel) en rupture face à des environnements et artefacts de plus en plus technologiques qui dévitalisent les sens jusqu’à devenir hostiles ?

Hypothèse :
Première barrière de l’organisme, la peau est l’un des organes les plus importants du corps humain. Elle représente une enveloppe corporelle qui délimite dès la naissance le soi et le non-soi. Ses interactions avec le monde extérieur permettent le développement, puis l’épanouissement psychomoteur. Les patients atteints de maladies génétiques rares de la peau, souffrent dès la petite enfance de leur image corporelle, associant à la douleur physique une douleur psychologique avec altération de la construction de l’image de soi. La qualité de ces dispositifs médicaux s’est améliorée ces 20 dernières années avec des matières tissées, absorbantes, compressives, mais restent cependant des bandes difficiles à vivre au quotidien chez des enfants en pleine croissance. Ils peuvent entraver et retentir sur la motricité. Ils sont visibles, « affichants », créent une barrière avec le monde extérieur, frontière supplémentaire à celle créé par la maladie elle-même : aucun contact de peau à peau possible avec diminution, voir perte de toute sensibilité et sensorialité cutanée, stigmatisation du jeune patient au quotidien : ce qui recouvre voir cache la maladie et affiche la différence en permanence.
En se rapprochant du design de la singularité, et par une méthode d’analyse sensible et empirique du soin des corps et des objets, il sera question de penser de nouvelles solutions de soin thérapeutiques associées aux méthodes du design. Nous détachant de certaines idéologies technologiques visant au développement d’outils dits « invasifs » qui pénètrent de plus en plus le corps jusqu’à s’hybrider avec lui, allant jusqu’à déplacer la notion de « réparation » vers une notion d’« augmentation » de l’humain, notre relation à la technologie ne sera pas uniquement motivé par l’efficacité, la puissance et la rationalité mais par un rapport humain et social. C’est en s’appuyant sur l’évolution des peaux artificielles, notamment de la robotique molle combinée aux biotechnologies et aux matériaux programmables, et par des procédés de bio-impression, que nous pouvons aujourd’hui développer des objets qui s’adaptent aux corps par pression, reproduisant le mécanisme d’un muscle. Cette évolution technique à la frontière de l’innovation et des « low tech » pourraient ramener davantage de sensitivité, de sensorialité, d’autonomie et d’esthétique aux corps atteints de maladies rares de la peau d’origine génétique et réduire de fait le fardeau du patient et de son entourage.