Antoine Fenoglio, Noémie Chataigner et Audrey Brugnoli : Sensorialité(s), Design et Ethique

Le 27 mars 2024, le groupe de recherche Symbiose a organisé un séminaire sur le thème « En quoi la dimension sensorielle du design peut-elle rejoindre une visée éthique de la pratique et discipline du design ? » suite à la publication de l’article « Dispositifs médicaux et enveloppes sensorielles : un design des milieux par l’usage de la sensorialité en contexte de soin »1 dans la revue Design, Arts, Media2.

Étaient invités à intervenir :

Antoine Fenoglio, co-fondateur de l’agence Les Sismo3, qui pilote la recherche et le développement. Il collabore avec la Chaire Philosophie à l’Hôpital4 et s’intéresse aux liens entre design, éthique et soin. Il accompagne aussi des thèses sur ces sujets.

Noémie Chataigner, doctorante en 4ème année en éthique au sein de l’Université Paris-Saclay. Designer de formation, sa thèse sous la direction de Jean-Philippe Cobbaut et de Cynthia Fleury, porte sur les articulations entre care et design, plus spécifiquement sur les dispositifs de conception en contexte de soin.

Audrey Brugnoli, doctorante en 4ème année en design au sein du programme doctoral SACRe (Sciences, Arts, Création, Recherche) de l’Université PSL (Paris Sciences et Lettres). Ses recherches sont menées au laboratoire de l’école des Arts Décoratifs (EnsadLab) en collaboration avec l’Institut Imagine et l’Hôpital Necker – Enfants Malades. Sa thèse intitulée « Peaux éthiques », sous la direction de Emmanuel Mahé et Christine Bodemer, porte sur l’intégration des problématiques psycho-sociales dans la conception des dispositifs médicaux destinés aux jeunes patients atteints de maladies génétiques rares de la peau.

Après un tour de table où chacun s’est présenté, les trois intervenants ont approfondi la présentation de leurs recherches respectives.

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Antoine Fenoglio est co-fondateur de l’agence de design Les Sismo, au sein de laquelle il pilote désormais les activités de recherche et développement. Il collabore notamment avec la Chaire de Philosophie à l’Hôpital, dirigée par Cynthia Fleury, sur les liens entre design, éthique et soin. Il accompagne également plusieurs thèses sur ces sujets.

Lors de sa présentation, Antoine est revenu sur son parcours et sa réflexion concernant l’évolution de sa pratique du design. Il a ainsi expliqué chercher à passer d’une pratique qu’il qualifie de « développement », visant à aller d’une problématique à un résultat tangible, à une pratique dite d' »enveloppement ». Cette dernière consiste plutôt à créer les conditions, les situations permettant à un écosystème d’acteurs de se sentir en capacité d’agir. Pour illustrer cette approche, Antoine a évoqué plusieurs de ses projets de recherche récents. Il a notamment coordonné pendant 5 ans un séminaire intitulé « Design with Care »5, qui a exploré les enjeux du design dans les contextes de soin. Ce cycle de rencontres a donné lieu à la publication en 2024 d’un ouvrage collectif, « Éthique et design pour un climat de soin »6, dont Antoine a assuré la direction éditoriale aux Presses Universitaires de France.

En parallèle, Antoine a également conçu et organisé deux expositions sur ces thématiques. La première, en 2021, portait sur les relations entre design et soin. La seconde, intitulée « Fair Play »7 et prévue pour 2024, élargit le questionnement au rôle du design dans les démarches d’inclusion. À travers des exemples de projets concrets, elle interroge la façon dont les approches design peuvent contribuer à rendre la société plus accueillante et adaptée à la diversité des individus et des situations.

En filigrane de ces initiatives, Antoine nourrit une réflexion plus fondamentale sur la dimension sensible du design et les relations entre esthétique et éthique. Il s’intéresse ainsi aux travaux du philosophe Pierre Lévy sur la place de la sensorialité et de l’irrégularité dans le design. Selon cette approche, les designers ont à assumer et à travailler l’irruption d’une part de variabilité, d’imprévisibilité dans leurs projets, comme une condition d’ouverture à l’altérité, plutôt que de chercher à tout maîtriser.

Antoine se réfère également aux écrits d’un autre philosophe, Arthur Lochmann, autour de la notion de « toucher-touchant ». Celle-ci met en avant la réciprocité qui s’établit dans le contact physique : lorsque nous touchons un objet ou un être, nous faisons aussi l’expérience d’être touchés en retour, dans une boucle qui vient troubler la distinction entre sujet et objet. Ces jeux subtils de toucher constituent une dimension à part entière de notre rapport au monde, dont le design doit se saisir.

Pour donner corps à ces réflexions, Antoine a également œuvré à la rédaction d’une charte « Ce qui ne peut nous être volé »8, en collaboration avec Cynthia Fleury. Ce document énonce 10 points d’appui pour penser et construire des environnements et des pratiques de soin attentifs à la vulnérabilité et à la singularité des personnes. On y retrouve des principes comme l’attention au silence et aux rythmes, le compagnonnage, la furtivité… Depuis sa parution sous forme de tract en 2022, cette charte essaime et suscite des discussions dans des contextes variés, de l’océanographie à l’architecture en passant par les enjeux de citoyenneté. Un site internet participatif, le « Labo Furtif »9, permet de suivre et de cartographier ces différentes initiatives.

En résonnance avec sa réflexion sur les pratiques « d’enveloppement », Antoine a partagé lors du séminaire sa collaboration avec une artiste et activiste brésilienne, Fannie Sosa, et nous a parlé d’un de ses projets autour de la thématique du sommeil réparateur comme droit fondamental pour les populations précaires. Plutôt que de concevoir un objet, l’enjeu du projet était de créer les conditions d’un endormissement paisible et sécurisant dans l’espace public, en l’occurrence au sein du MoMA. Le design est ici convoqué comme art des situations et des climats, au-delà de la production.

En guise de conclusion, Antoine a insisté sur la dimension vitale de ces démarches, dans un monde professionnel et institutionnel de plus en plus soumis à des logiques de performance et de protocolisation. Face à la crise multiforme du soin, il en appelle à des pratiques de « contreculture » et de résistance par le sensible, passant par « l’insurrection des gestes minuscules ». Le design peut ouvrir des voies d’émancipation et de réappropriation du travail, à condition de se penser comme une écologie de l’attention, du rythme et de la relation. Il ne s’agit plus seulement de concevoir des solutions fonctionnelles mais de prendre soin des processus, des situations et des interactions qui tissent nos formes de vie et de coexistence.

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Noémie Chataigner est doctorante en 4ème année en éthique. Designer de formation, elle réalise une thèse sous la direction de Jean-Philippe Cobbaut et de Cynthia Fleury, au sein de l’Université Paris-Saclay, de l’équipe Recherches en éthique et en épistémologie du Centre de recherche en Épidémiologie et Santé des Populations. Son travail porte sur les relations entre design et care, elle considère plus spécifiquement l’inscription de dispositifs de conception en contexte de soin. Dans son approche, elle articule une réflexion théorique sur les liens entre design et éthique du care, à une démarche empirique où elle étudie des dispositifs et des processus de conception en contexte de soin.

Dans la première partie de son travail, Noémie travaille par généalogie afin de comprendre les articulations contemporaines et les résonnances entre care et design. Travaillant l’évolution de la discipline du design depuis l’une de ses émergences avec la révolution industrielle, elle envisage les significations, pour le design, mais aussi pour l’éthique, de ces intérêts réciproques entre design et soin.

Ce travail par généalogie permet à Noémie de situer ses propres études de cas, qui constituent la deuxième partie de sa recherche. Sa première étude porte sur un dispositif de projection de contenus artistiques, immersifs et interactifs, Illuminart, conçu par l’association Arts dans la cité, à destination de différents contextes de soin. La seconde étude de cas porte sur les deux dispositifs d’apaisement, de contenance, conçus dans le cadre de la recherche conduite par la Chaire Philosophie à l’Hôpital en partenariat avec le GHU Paris Psychiatrie et Neurosciences. Les deux dispositifs étudiés, s’inscrivent dans les enjeux liés à la contention en psychiatrie, visant un moindre recours à cette dernière, et ont été conçus par une démarche de co-conception, réunissant l’agence de design Les Sismo, des professionnels de la psychiatrie, des patients et des aidants. Enfin, le troisième cas étudié a permis la documentation d’une recherche-action en éthique et en design (Université Catholique de Lille), au cours de laquelle des acteurs des deux disciplines ont travaillé ensemble, avec des acteurs de plusieurs EHPAD (résidents, professionnels, aidants…), afin de co-concevoir un dispositif qui conviendrait aux situations liées aux deuils et aux décès en EHPAD. À travers ces travaux, Noémie explore l’idée d’une dimension capacitaire du design, et plus largement travaille les prolongements possibles d’une articulation entre care et design.

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Audrey Brugnoli est doctorante en 4ème année en design au sein du programme doctoral SACRe (Sciences, Arts, Création, Recherche) de l’Université PSL (Paris Sciences et Lettres). Artiste et designer de formation (Institut supérieur des Arts de Toulouse, Ecole des Arts Décoratifs de Paris), elle réalise depuis 2020 une thèse intitulée ‘’Peaux Ethiques’’ sous la direction d’Emmanuel Mahe et Christine Bodemer, au sein du laboratoire de l’école des Arts Décoratifs (EnsadLab) en collaboration avec l’Institut Imagine et l’Hôpital Necker – Enfants Malades. Ses recherches portent sur l’intégration des problématiques psycho-sociales dans la conception des dispositifs médicaux pour les maladies génétiques rares de la peau.

Son travail vise à explorer comment les qualités esthétiques et sensorielles des objets de soin peuvent améliorer l’estime de soi et l’isolement social des jeunes patients atteints d’épidermolyse bulleuse héréditaire, une maladie caractérisée par une extrême fragilité de la peau. Face à l’absence de traitement curatifs et à la nécessité de pansements couvrant jusqu’à 80% du corps, Audrey s’intéresse à l’impact de ces dispositifs médicaux sur le développement physique, psychologique et sensoriel des enfants, ainsi que sur la stigmatisation et les difficultés d’intégration sociale. Sa recherche vise également à intégrer ces considérations dans une approche relationnelle des pratiques de soin existantes, tant au niveau familial (avec en moyenne 34 heures de soin hebdomadaires réalisés par les parents ou l’entourage proche) qu’au niveau des professionnels de santé. L’hypothèse d’Audrey est de partir des approches existentielles du soin, telles qu’elles sont pensées au niveau institutionnel et politique, pour développer une approche plus sensorielle, attentive à l’impact des qualités esthétiques et sensorielles des dispositifs sur le vécu subjectif des patients et de leur entourage.

La première partie de son travail a consisté en une vieille scientifique et littéraire, ainsi qu’en la collecte de témoignages de patients et aidants. Cette phase a permis de constituer une base bibliographique et de situer sa recherche dans le contexte des approches existentielles du soin, en intégrant le vécu subjectif de la maladie au même niveau que la recherche clinique. Pour donner corps à ces témoignages, des dispositifs artistiques ont été développés.

La deuxième partie de sa recherche s’est dédiée à l’ancrage sur le terrain auprès des équipes soignantes du centre de références MAGEC à l’Hôpital Necker – Enfants Malades. Mobilisant des méthodologies d’observation,  Audrey a observé puis documenté les pratiques, les gestes et les interactions autour des soins quotidiens, ainsi que les systèmes d’adaptation mis en place par les soignants et les familles. Ensuite, elle a développé des outils dans le cadre d’ateliers d’idéation tels que des cartographies et des jeux de cartes pour définir et classifier les besoins exprimés sur le terrain (cartographies, jeux de cartes).

Actuellement, Audrey travaille sur la troisième partie qui inclue l’étude, la conception et le développement des dispositifs médicaux complémentaires à ceux existants, intégrant une dimension sensorielle attentive à la matérialité des dispositifs et aux relations en œuvre durant la prise en charge pour en améliorer le vécu. Cette phase implique des ateliers de coconception avec les soignants et patients (définition du cahier des charges à partir des besoins exprimés du terrain, sélection des matériaux et des usages, itérations) ainsi que la mobilisation de partenaires industriels. Cette phase implique plusieurs méthodes d’évaluations visant à allier qualités sensorielles, sécurité et acceptabilité pour les jeunes patients et leur entourage.

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La discussion a ensuite porté sur un article en cours de publication10 des 3 intervenants, qui prend le projet d’Audrey comme étude de cas pour analyser le rôle de la sensorialité dans le design en contexte de soin.

Dans une première partie, l’article propose un état de l’art des démarches de design intégrant des préoccupations sensorielles dans les contextes de soin. Les auteurs passent en revue différents projets récents, depuis les approches artistiques jusqu’aux dispositifs médicaux, en analysant la façon dont ils mobilisent les propriétés esthétiques et sensibles des matériaux, des formes, des sons, des odeurs… pour améliorer le vécu et les relations de soin. Cette exploration permet de dégager quelques pistes sur la spécificité d’une approche sensorielle du soin par le design, qui ne se réduit ni à une approche fonctionnaliste ni à une pure recherche d’agrément, mais travaille à ouvrir des espaces d’expérience et d’expression pour les personnes soignées comme pour les soignants.

La deuxième partie de l’article se concentre sur l’étude de cas du projet « Peaux Éthiques ». Les auteurs y détaillent les partis pris méthodologiques et les principaux résultats de cette recherche en cours. Ils montrent notamment comment Audrey Brugnoli articule une démarche immersive d’enquête de terrain, inspirée de l’anthropologie, avec des outils de co-conception empruntés au design collaboratif. Cette approche permet de recueillir et de croiser une grande diversité de données, depuis les observations cliniques jusqu’aux ressentis intimes des enfants et des familles. Elle conduit également à impliquer activement les soignants dans le processus créatif, favorisant ainsi l’émergence d’une véritable « communauté de soin » autour du projet.

Sur le plan des réalisations, l’article insiste sur le caractère systémique et multimodal des dispositifs imaginés. Loin de se réduire à un simple objet médical, le projet « Peaux Éthiques » dessine un écosystème d’artefacts, d’environnements et de pratiques visant à améliorer globalement la qualité de vie et de soin des enfants. La réflexion sur les matériaux est centrale, avec le souci de proposer des textures, des motifs, des degrés d’intimité variés et ajustables selon les besoins de chacun. Mais la dimension sensorielle infuse aussi dans des registres moins attendus, comme le vêtement, les accessoires ou encore les rituels et les gestes du soin. Il s’agit au final de créer des « peaux » au sens propre comme figuré, pour restaurer une enveloppe à la fois physiologique et psychique mise à mal par la maladie.

En discussion de ces résultats, les auteurs proposent de revisiter les notions de « soin » et de « sensorialité » à travers le design. Ils suggèrent que l’approche design permet d’enrichir et de nuancer la distinction classique entre « cure », le soin objectif de la pathologie, et « care », l’attention subjective aux personnes. En travaillant les dimensions sensorielles, relationnelles et signifiantes des dispositifs médicaux, le design contribue en effet à tisser des liens entre ces deux polarités du soin. La sensorialité dont il est question ne se limite pas à un simple « supplément d’âme », une couche esthétique qui viendrait décorer une fonction prédéfinie. Elle participe pleinement de la construction de l’expérience du soin, de son efficacité thérapeutique comme de sa portée existentielle et narrative pour les personnes concernées.

En conclusion, l’article ouvre des pistes pour penser une éthique du design et ses dimensions sensorielles dans les contextes de soin. Celle-ci impose de dépasser une approche purement disciplinaire, pour nouer un dialogue avec la médecine, les sciences humaines et sociales, mais aussi la philosophie et l’anthropologie des techniques. Elle suppose également de prendre en compte la complexité et la fragilité des écosystèmes du soin, en évitant les postures de surplomb ou de solutionnisme technologique. L’enjeu est au contraire de cultiver une forme d’attention et de responsabilité à l’égard des milieux et des relations que le design contribue à façonner, dans une visée d' »écologie du soin ». Cela implique de penser le processus de conception comme une enquête partagée et située, ouverte aux incertitudes et aux contradictions qui tissent nos formes de vie.

En définitive, cette recherche invite à envisager la dimension sensorielle du design comme un art des médiations et des transitions, travaillant à ouvrir des marges de manœuvre et des espaces de jeu au sein des organisations de soin. Face à la tentation de la standardisation et de la désincarnation, il en appelle à des pratiques attentives à la singularité des personnes, des situations et des expériences sensibles. Loin d’être accessoire, cette attention à la sensorialité apparaît comme une condition de possibilité d’un soin respectueuse de la vulnérabilité et de la dignité de chacun.

La discussion avec les autres participants au séminaire s’est ensuite orientée sur plusieurs points :

– L’importance de sortir en design du fantasme de l’objet fini et parfait et de se concentrer sur le processus et la co-conception, quitte à arriver à des objets « moches » s’ils répondent aux besoins. C’est une approche peu enseignée dans les écoles de design. Léa témoigne de son expérience à l’hôpital psychiatrique où elle se sentait réduite à fournir des objets sans réflexion sur le processus. Patrick souligne que ça rejoint des questions anciennes en design.

– La violence potentielle dans le fait de donner ou d’imposer un objet à quelqu’un, comme l’a souligné la psychanalyste Claude Sternis. Eva prend l’exemple de son projet de conception d’objets de massage pour des personnes âgées atteintes d’Alzheimer et souligne l’importance de mettre les objets à disposition sans forcer et de laisser les résidents aller vers eux à leur rythme. Roxane propose de nuancer en parlant plutôt de « suggestion » ou de « proposition » que de « don ». Audrey note que dans certains contextes hospitaliers, les patients ont finalement peu de choix réels dans les activités proposées.

– Antoine parle du philosophe Pierre Levy qui questionne le passage d’une volonté de produire un usage à une volonté de produire un rituel avec les objets qui prend l’exemple d’une étudiante ayant étudié son rituel quotidien d’épluchage de pomme. Le soin est ainsi fait de beaucoup de micro-rituels et pas seulement d’usages.

– L’importance de maintenir une sensorialité « forte » et pas seulement douce et agréable. Eva explique que dans son projet pour les personnes âgées, certaines textures plus rugueuses et stimulantes étaient très demandées, pour compenser la perte de sensibilité. Antoine mentionne des travaux sur la « révolte » et l’agonistique nécessaires dans le soin.

– Les enjeux de perte de sensorialité et de standardisation dans un monde de plus en plus technicisé. Patrick fait le lien avec les travaux de Bachelard et Simondon sur les rythmes et les matières dans le travail.

En conclusion, ce séminaire a permis d’explorer les enjeux sensoriels et éthiques dans la pratique du design en contexte de soin. Les trois interventions et les discussions montrent la nécessité de réinterroger la posture des designers et leur approche, en mettant l’accent sur l’attention, le processus, la co-conception, la singularité plutôt que sur l’objet fini standardisé. La dimension sensorielle du design apparaît comme un espace potentiel de construction de nouveaux possibles et d’émancipation pour les patients comme pour les soignants. Mais il soulève aussi des questions sur la violence potentielle de l’objet, sur la place à laisser au dissensus et à la révolte nécessaire. Il invite au final à penser le design comme un art des relations et des médiations, travaillant sur les situations et les « climats » plus que sur des produits finis.

La recherche en design dans les contextes de soin s’avère un lieu particulièrement riche pour penser l’articulation entre esthétique, technique et éthique. En donnant à voir et à sentir autrement les expériences de soin, elle ouvre la voie à de nouvelles façons d’être, d’agir et d’interagir pour tous les acteurs impliqués, patients, soignants, aidants… Cette approche par le sensible ne s’oppose pas à la recherche de performance médicale mais la complète et l’enrichit. Elle contribue à faire des hôpitaux et des institutions de soin des lieux plus habitables et plus vivables, où chacun puisse se sentir reconnu dans sa singularité et sa vulnérabilité.

Il reste à inventer les modalités économiques, institutionnelles et politiques permettant à ces initiatives souvent locales et expérimentales de se déployer plus largement. Comment reconnaitre la valeur de ces démarches ? Comment leur donner une place pérenne et légitime dans les organisations de santé ? Comment favoriser les dynamiques d’essaimage et de partage d’expérience ?

  1. https://journal.dampress.org/issues/les-vulnerabilites-a-lepreuve-de-la-sobriete-apports-et-perspectives-pour-les-disciplines-de-conception/dispositifs-medicaux-et-enveloppes-sensorielles-un-design-des-milieux-par-l%27usage-de-la-sensorialite-en-contexte-de-soin ↩︎
  2. https://journal.dampress.org/ ↩︎
  3. https://www.les-sismo.com/ ↩︎
  4. https://chaire-philo.fr/ ↩︎
  5. https://chaire-philo.fr/seminaire-design-with-care/ ↩︎
  6. https://www.vrin.fr/livre/9782130838302/ethique-et-design ↩︎
  7. https://le-jad.fr/actualites/vernissage-exposition-fair-play/ ↩︎
  8. https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Tracts/Grand-format/Ce-qui-ne-peut-etre-vole ↩︎
  9. https://labofurtif.xyz/?PagePrincipale ↩︎
  10. https://journal.dampress.org/issues/les-vulnerabilites-a-lepreuve-de-la-sobriete-apports-et-perspectives-pour-les-disciplines-de-conception/dispositifs-medicaux-et-enveloppes-sensorielles-un-design-des-milieux-par-l%27usage-de-la-sensorialite-en-contexte-de-soin ↩︎